Carnac-transit

Nulle part comme à Carnac

Le ciel n’est à la terre,

ne fait monde avec elle

;

pour former comme un lieu

plutôt lointain de tout

qui s’avance au dessous du temps.            

Eugène Guillevic

Le jour où le ciel nous tomba sur la tête
Continuer, comme si de rien n'était.
Via Carnac-Transit
Un nouvel état des lieux - (1)
Un nouvel état des lieux - (2)
Réapprendre tout, centimètre par centimètre.
Retour à la normale, ( ou presque )
Sur la terre comme au ciel
Momument en hommage à Eugène Guillevic, né Carnac en 1907, mort à Paris en 1997.

« Le jour où le ciel nous tomba sur la tête. »

Tel est le titre de la première image de cette série sur Carnac. Elle évoque la stupeur qui s’empara des amoureux du site mégalithique de Carnac, quand l’administration du Centre des Monuments nationaux décida d’édifier en bordure du site un ouvrage pompeusement appelé « Maison des Mégalithes ».  En fait, une verrue en béton armé de 700 m2 dont l’esthétique rivalisait avec celle des blockhaus du mur de l’Atlantique dont les nazis, une cinquantaine d’années auparavant, avaient truffé le littoral à quelques jets de pierres de là …

(…) Et pour faire bonne mesure, outrage ultime, on incarcéra les alignements derrière un grillage du plus fâcheux effet. Officiellement, il s’agissait de protéger ce paysage bucolique des barbares qui prétendaient continuer à jouir des lieux comme par le passé, sans bourse délier, à l’exemple des enfants que nous fûmes et qui en avaient fait leur terrain d’aventures. (Voir l’auteur de ces lignes, en premier plan, sur la photo ci-dessous.) Par la même occasion on en bannit les vaches du voisinage qui venaient paisiblement y paître depuis des millénaires et gratter leurs flancs contre les pierres levées, sans dommage aucun pour celles-ci. 

Tout cela n’était évidemment qu’une première étape visant à créer à terme un mirobolant et très rémunérateur « Menhirland ». Le sénateur-maire de Carnac, Christian Bonnet, imaginait en effet de construire, à l’instar de Lascaux, une réplique en béton des Alignements, pour y gérer le flux de touristes qu’il rêvait de multiplier pour le plus grand bénéfice du commerce local et des finances publiques. Finalement, après plus de 10 ans de chicanes, l’illégalité du projet fut reconnue par le tribunal administratif de Nantes, et ce programme plus touristique que culturel fut officiellement abandonné en 2003 par Jean-Jacques Aillagon, alors Ministre de la Culture. Le saccage définitif du site fut évité de peu. Le grillage concentrationnaire resta cependant en place, histoire de sacrifier à l’esprit du siècle.

La réalisation d’une série de cartes postales détournées fut alors ma modeste contribution à l’expression de l’indignation publique. J’y revendiquais le droit de déambuler paisiblement en marge des parcours obligés sans devoir subir les discours tonitruants et pseudo historiques assénés par les guides commis au pilotage du public et d’imaginer à ma guise de quelles fabuleuses permutations les pierres terrestres et les pierres célestes avaient été jadis l’objet en ces lieux immémoriaux comme je le faisais autrefois en escaladant les pierres levées.

L’une des cartes postales que j’ai de façon récurrente utilisée pour ce travail, et qui est encore nostalgiquement en vente aux alentours de Carnac, représente un de ces troupeaux de vaches qui, dans mon enfance, déambulait librement, comme je le faisais moi-même, entre ces menhirs aujourd’hui récupérés par l’esprit de lucre. J’ai imbriqué à cette image bucolique une autre carte postale représentant une vision graphique de Saturne réalisé pour la Nasa. On y observe la planète géante au travers de la noria des météoroïdes de glaces et de roches de ses anneaux. 

Quelques-unes des images composites de la série « Carnac-Chantier » furent présentées en 1989 à l’Atelier des Enfants du Centre Pompidou dans le cadre de l’exposition «Bons baisers d’artistes», manifestation consacrée à l’art postal. En ce temps-là, le courrier n’avait pas encore perdu toute matérialité et transitait de vous à moi à petite vitesse, histoire de se laisser désirer par ses heureux destinataires.

Dans beaucoup de ces images, je mets le ciel et la terre en relation, établissant un parallèle entre météores et menhirs, imaginant l’origine de ces derniers par une pluie de pierres célestes. En me promenant en ces lieux, enfant, je comprenais que les Gaulois, qui n’avaient peur de rien, sinon que ciel ne leur tombe sur la tête, n’avaient pas tout avait tort de se méfier des menaces venues d’en haut.

Ces mêmes pièces, et quelques autres réalisées dans le même esprit sous le titre « Le Grand Saturne Circus », ont également été exposées en 1996  dans le cadre de l’exposition « Météorites » dans la Grande Galerie de l’évolution au Muséum d’Histoire naturelle. Hommage rendu aux météorites, et plus spécifiquement à celui, énorme, dont la chute providentielle provoqua l’extinction des dinosaures pour le plus grand profit des mammifères, et partant, du nôtre.